L’OM peut-il échapper aux fonds d’investissement ?

Ils sont déjà en relation ou en affaire avec le club marseillais (Doyen Sports, XXIII Capital) ou sont cités  dans le rachat de l’OM (Fair Play Capital via Gérard Lopez, Guggenheim Partners). Pourquoi les fonds d’investissement sont-ils quasiment les seuls intéressés par l’OM ?  Les spécificités de ce club atypique, peuvent-elles s’accommoder de la nouvelle économie du foot ? Focus sur un club dans une nouvelle période charnière de son histoire.


 

 

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Silvio Berlusconi et Bernard Tapie

A leur arrivée à l’OM Bernard Tapie et Robert Louis-Dreyfus incarnaient chacun l’homme d’affaires de son époque. Tapie en 1986 était l’entrepreneur façon Berlusconi: médiatique, politique, promoteur du sport business, passeur dans la modernité, redresseur d’entreprises en difficulté.

Robert Louis-Dreyfus a lui gagné en 1996 ce qui était alors la finale des équipementiers. Il représentait Adidas contre Fabien Ouaki (Tati/Reebok) et Patrick Proisy (IMG-Mc Cormack/Nike) dans le contexte pré Coupe du Monde 1998 en France. Fils de bonne famille surdoué, homme de coups, joueur de poker, RLD représentait comme Tapie, un modèle de businessman des 90’s.

Anigo, RLD, Diouf, Acariès

Anigo, RLD, Diouf, Acariès

Après eux, les fonds d’investissement  (sous une forme ou une autre)  manifestent aujourd’hui leur intérêt pour l’OM. Cette fois encore le club marseillais est dans l’air du temps. Les fonds sont de plus en plus présents dans le foot depuis la crise de 2008,  en remplacement des banques rechignant ou refusant de faire crédit à des clubs déjà surendettés, aux actifs réduits ou incertains.

Il s’agit là d’une toute autre économie du foot. La banque permettait de consolider l’aspect patrimonial de la propriété du club. Le fond d’investissement est au contraire un cheval de Troie. Il ne veut pas consolider mais utiliser l’actif du club (humain et matériel) pour un profit immédiat (plus-value sur transfert) ou futur (plus-value sur vente du club).

Le club devient un moyen. Marseille est-il prêt à cela ? Jean Claude Gaudin, maire de la ville, considère l’OM comme partie intégrante du patrimoine marseillais. Il a par exemple  refusé à RLD que ce dernier fasse construire un stade pour le club.

L’OM occupe une place singulière à Marseille. La bourgeoisie locale, les grandes familles fortunées du 19e siècle, les nouveaux riches du 20e et du 21e siècle, pratiquement aucun d’entre eux n’a voulu ou ne veut y entrer et encore moins en être propriétaire depuis René Dufaure de Montmirail (fondateur du club en 1897) et Paul Le Cesne (président du 1909 à 1920).

Tous ont su éviter le piège dans lequel est tombé Jean Carrieu, le dernier entrepreneur marseillais à s’y être risqué.  Arrivé en 1981, il a été, lui et les membres du comité de gestion du club, victime début 1986 d’une campagne, quasiment d’une chasse à l’homme, menée par le journal Le Provençal. Il fallait faire place à Bernard Tapie.

Toute la relation de Marseille à l’OM est là.  Le club fait partie du patrimoine de la ville  mais aucun marseillais ne veut ou ne peut en être propriétaire, du moins sur le papier. Car de fait celui qui achète l’OM n’en a pas la propriété. Il est juste locataire pour le compte des marseillais qui, eux, savent évidemment comment gérer le club, puisque c’est le leur.

Un rapport générateur de blocages dans une ville qui souffre d’une crise persistante de représentativité. Marseille est une ville vivante, dynamique, créative et qui excelle dans les secteurs de pointe (recherche, médecine, produits pharmaceutiques, industrie sous-marine) et culturels.  Le tissu associatif marseillais pallie tant qu’il peut, en l’absence de moyens et de reconnaissance, l’inaction et l’inertie des politiques.

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JP Foucault et JC Gaudin

Jean Claude Gaudin, le premier marseillais, porte haut l’idée d’un OM sanctuarisé. Le problème c’est qu’il gère cette affaire comme celles de la Ville. Une enquête édifiante de Capital vient de révéler ses talents de gestionnaire.

http://www.capital.fr/enquetes/derapages/la-mairie-de-marseille-pire-que-l-om-1147000

Puisqu’il a refusé de lâcher le stade, Gaudin a conduit deux rénovations, pour la Coupe du Monde 1998 et l’Euro 2016. Deux catastrophes, architecturale pour la première, financière (pour la Ville) et fiscale (pour les contribuables marseillais) pour la seconde. Autre point sensible, la propriété du numéro d’affiliation, détenue par l’OM Association, la section amateur.

Dans les deux cas, les positions de principe du Maire et de Jean Pierre Foucault se défendent. Mais tous deux incarnent le blocage à la marseillaise. Ils occupent une fonction éminente mais incarnent au mieux l’immobilisme. Même constat pour les South Winners, le groupe le plus important de supporters à Marseille. Une fonction dominante qui leur permet de gendarmer les autres. Pour le bien commun ?

C’est dans ce contexte que des fonds d’investissement manifestent leur intérêt pour racheter l’OM. Avec eux de nouveaux interlocuteurs, une nouvelle époque, un nouveau rapport patrimonial, moins d’affect. Si Tapie et RLD n’étaient pas des bisounours, ils étaient « proches » d’origine (français pour le premier, né en France et naturalisé suisse pour le second) et avaient consenti un investissement personnel.

Si l’OM est vendu à un financier adossé à un ou des fonds, cela modifiera du tout au tout la relation connue jusqu’ici entre le propriétaire du club et la Ville.  Jusqu’à il y a deux ans, il s’agissait de gestion de patrimoine. Depuis le club est passé dans l’ère du trading (achat et revente de joueur en vue d’une plus-value). Ce qui change peu en apparences. L’OM a toujours beaucoup modifié son effectif.  Reste la finalité. Le club n’est plus considéré de la même manière. Il devient un moyen. Les supporters, leur ferveur, leurs tifos deviennent un outil de valorisation le club.

Ce basculement est actuellement spectaculaire à l’OM. Margarita Louis-Dreyfus fait actuellement procéder à une épuration de l’effectif.

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L’OM façon trading…

 

Dans un double but. D’abord rééquilibrer les comptes du club, s’assurer une marge de manœuvre au cas où le club ne soit pas vendu. Et s’il l’est, l’idée est sans doute de transmettre l’OM dans des conditions qu’affectionneraient aujourd’hui les repreneurs.

L’actif joueur n’est plus automatiquement un atout, il constitue une masse salariale qui peut être pesante. Dans le genre, MLD a fait fort. Trop fort ? On note la tentative d’étoffer un effectif devenu famélique avec des joueurs comme Gomis, N’Jie et Veretout. Trois joueurs de Premier League en prêt, le sous CDD du CDD de joueurs.

L’OM est entré dans l’ère de la nouvelle économie du foot avec sauf coup de théâtre, un propriétaire étranger si le club est vendu. Que vont peser son histoire, ses supporters, sa spécificité ? Une fonction de figuration ? Quels seront les ambitions d’un éventuel nouveau propriétaire ?  Entre titres et plus-values, quelle sera la priorité ? Comment le nouveau propriétaire va t-il envisager ses rapports avec la Ville ? Et si le club n’est pas vendu ? Une autre histoire…