Fanzines, chants, musiques, magazines, livres, arts : les supporters anglais occupent tous les terrains
En Angleterre, on honore et/ou on piétine les valeurs en musique, mode, arts, cuisine, mélange de culture et contre-culture. Il en va de même dans le foot avec les supporters. Il y a les traditions immuables, transmises de père en fils, et les défis à l’establishment, sous toutes les formes. En tant que phénomène de société, le foot se prête à tous les médias, alternatifs ou non.
Ce septième volet de la série “Pourquoi les supporters ont la vie dure” s’attache aux racines du foot anglais en tant que mode de vie.
A suivre: les autres volets de la condition des supporters (Italie, Espagne, Etats-Unis).
Il suffit de survoler l’Angleterre pour comprendre pourquoi c’est un pays de sport. Des terrains, partout, comme les “recreation grounds” au cœur des ensembles pavillonnaires, des espaces gazonnés, là où naît l’attachement au stade des supporters. Car il rappelle le rapport terrien dans un environnement familier, comme chez soi, le sentiment d’appartenir à une communauté. Faire du sport, aller voir des matches, cela commence là.
Des stades aussi au coeur des villes, comme ici à Liverpool. Au premier plan, Goodison Park le stade d’Everton, au fond Anfield, le stade de Liverpool. Au milieu, Stanley Park. Un parfait résumé de l’Angleterre du foot.
Les Anglais vont au stade, en masse. Total des spectateurs la saison dernière pour les quatre divisions professionnelles: 30, 2 millions. Soit presque la moitié de la population (64, 5 Millions). Auxquels il faut ajouter les spectateurs des deux niveaux de l’élite amateur (National League, National North, National South) et des cinq niveaux suivants.
Aller au stade, c’est naturel pour tout le monde, comme ici en 2010 pour le match Silverlands Buxton FC contre FC United of Manchester.
Stuart Roy Clarke est le meilleur des photographes anglais à sillonner le pays et rassembler des témoignages du foot d’en haut et d’en bas, toujours avec proximité, témoignages disponibles ici: http://homesoffootball.co.uk/
Pour les supporters et spectateurs en déplacement, l’Angleterre est très organisée.
Le site Football Grounds http://www.footballgroundguide.com/ propose en effet un guide sur 240 terrains en Angleterre, Ecosse, Pays de Galles et Irlande.
Même principe pour tous:
Où, comment y aller, prix des billets, accueil des supporters adverses, pubs et restauration aux alentours et un espace témoignage des visiteurs passés qui répondent à une liste de questions.
Cette tradition de déplacements a fait naître une appellation: “away day” (journée en déplacement). Depuis 2014 la FSF (Fédération des supporters de football), décerne tous les ans le trophée du club recevant chez qui les supporters votants ont passé le meilleur “away day”. Pour 2015, les nominés étaient: Brighton & Hove Albion, Cardiff City, Derby County, Rotherham United Southampton et Wigan Athletic (qui a remporté le trophée).
Autour du stade, dans le stade, les supporters anglais chantent. Pour honorer leur équipe et aussi beaucoup pour chambrer celle d’en face et leurs supporters.
Plusieurs sites web sont consacrés à ces chants. FanChant ( https://www.fanchants.com/ ) en a répertorié plus de 13.000 (avec le son) pour la Grande Bretagne.
FootballChants.org http://footballchants.org/ fournit les paroles des chants.
OpenPlay https://www.openplay.co.uk/blog/top-30-funniest-british-football-chants a publié en 2014, une liste des meilleurs chambrages en chants.
FourFourTwo a classé les meilleurs chants: http://www.fourfourtwo.com/features/50-best-football-chants
Parmi lesquels celui de supporters de West Ham célébrant Dimitri Payet:
“We’ve got Payet, Dimitri Payet/ I just don’t think you understand/ He’s Super Slav’s man/ he’s better than Zidane/ we’ve got Dimitri Payet”
Dans les stades anglais, la musique est une composante naturelle autour du match. Avec d’abord les hymnes du club dont plusieurs sont ici répertoriés:
http://www.gq-magazine.co.uk/gallery/gq-sport-best-football-club-ground-game-anthems-songs
Foot et musique vont naturellement ensemble, d’où l’implication des musiciens. Elton John a même été propriétaire d’un club, celui de Watford: ( http://footzer.com/2015/09/23/watford-fc-le-club-le-plus-rock-dangleterre/ )
Nombreux sont les musiciens fans, voir ces listes:
http://www.thefootballsupernova.com/2011/12/football-clubs-musicians-support.html
http://www.musicradar.com/news/guitars/10-football-mad-guitar-heroes-606145
Foot et musique, un site rassemble ces deux/ passions:
http://www.footballandmusic.co.uk
Une assimilation qui a produit un rapprochement pour le nom d’un mouvement de rébellion contre le football business en Angleterre.
La couverture du livre de Jim Keoghan sur l’implication des supporters dans la marche des clubs, jusqu’à en devenir propriétaires, dit tout de l’Angleterre et de son rapport au foot. Il y a le titre « Punk Foot » et le graphisme, référence à ceux utilisés par les Sex Pistols. Le tout renvoie à l’anarchie, mais il est là question de chasser les patrons de clubs indélicats ou incapables pour prendre leur place et de permettre à la communauté de s’identifier au club de la ville, de la région. Comme l’explique Jim Keoghan ici, ce livre a pour but de changer la manière dont les supporters vont au stade. De manière plus impliquée.
“Punk Football”, c’est le nom que les premiers supporters à créer un Supporters’ Trust ont donné à leur mouvement au début des années 90. Ce qui était une utopie s’est réalisé. Ce qui est écrit sur la banderole ci contre dit beaucoup de cette volonté de respecter ce qui fait l’histoire des clubs: “Can’t Kick Up The Roots”. On ne peut pas enlever les racines. “Punk Football” a été la réponse à l’instauration de la Premier League, la mondialisation symbolisée par l’arrivée de nouveaux propriétaires.
http://sublimemagazine.com/music-interviews/how-the-punks-saved-english-football
En 2004, des supporters clubs de Birmingham, Aston Villa et Birmingham City s’étaient associés afin d’aider financièrement le club allemand de St Pauli, fief historique du football contestataire. Et ils avaient pour cela organisé un festival punk:
http://www.bbc.co.uk/birmingham/features/2004/11/st_pauli/st_pauli.shtml
L’imagination n’a jamais manqué aux supporters, s’emparant de tous les moyens d’expression. L’arrivée des Fanzines à la fin des années 80 va le confirmer. Et effrayer les autorités ce qui indique bien leur pouvoir de subversion. When Saturday Comes http://www.wsc.co.uk/ a été le précurseur en 1986. Pour le 30e anniversaire de la première parution, The Guardian a situé l’importance de ce fanzine :
https://www.theguardian.com/football/blog/2016/mar/11/when-saturday-comes-shooting-football-fringes
Teenage Kicks, le blog british des Cahiers du Foot a très bien raconté ce que sont les Fanzines, en trois articles:
http://cahiersdufootball.net/blogs/teenage-kicks/tag/titres-de-fanzines-insolites/
Deux exemples pour rendre compte de l’importance du fanzine dans une communauté. Lorsque Y Front (fanzine sur York City, Division 5) a publié son premier numéro, le journal local The Press en fait un article avec la photo de Chris Topping, légende du club local, avec le fanzine à la main.
The Square Ball (Leeds United, D2) créé en 1989, fait vivre la passion autour du club malgré ses difficultés à sortir du marasme depuis 15 ans. Ses couvertures sont toujours excellentes:
La contestation a sa place chez les supporters anglais en particulier ceux adeptes du mouvement “Against Modern Football” (Contre le football moderne), entre autres dans ce site, Stand : http://www.standamf.com/
Une contestation qui est symbolisée dans la banlieue de Londres par deux clubs: Dulwich Hamlet (D5 ) et Clapton FC ( D7 ). Deux clubs où on milite contre le racisme, l’homophobie et où on se mobilise contre le faim dans une ambiance parfois libertaire. A Dulwich Hamlet, le groupe de supporters ComFastChapter se définit comme “Hard left-drinking society”. Dans un article de The Guardian, le club est qualifié de “le plus hipster de Londres”:
https://www.theguardian.com/global/2015/aug/23/dulwich-hamlet-londons-most-hipster-football-club
Samedi dernier, Dulwich Hamlet a participé à la Liberté Cup en soutien aux réfugiés, organisée en France à Grande Synthe par plusieurs associations anglaises soutenues par la Football Supporters Europe
http://www.fanseurope.org/fr/
A Clapton FC on s’affiche anti-fasciste, avec un groupe ultra “Scaffold Brigada” http://www.claptonultras.org/ Lequel rassemble les joueurs de matches plusieurs centaines d’Anglais, Espagnols, Italiens et Polonais:
https://www.theguardian.com/football/2015/sep/10/clapton-ultras-anti-fascist-essex-senior-league-football
De nombreux magazines viennent nourrir toute cette passion.
The Football Pink https://footballpink.net/
These Football Times http://thesefootballtimes.co/
Beyond The Last Man, tendance vintage et rétro:
https://beyondthelastman.com/
The Blizzard magazine de grande graphique et rédactionnelle
https://www.theblizzard.co.uk/
Le foot anglais génère en permanence une grande créativité. Il y a Glory, un nouveau venu http://www.glorymag.co.uk/ prometteur. Et plusieurs illustrateurs.
Wundergol https://www.instagram.com/wundergol/
Marcs Reed http://www.marcusreed.com/
Dave Flanagan (ci dessous à gauche).
http://daveflanaganillustration.squarespace.com/
Et le site Patterns of play http://www.patternsofplay.co.uk/ (ci dessous à droite)
Culture et contre culture, le foot en Angleterre occupe tous les terrains. Rien d’étonnant dans un pays où Manchester abrite trois musées consacrés à ce sport. Celui de la Fédération Anglaise, de Manchester United et de Manchester City.
PS. Ce panorama de la culture et contre culture du foot en Angleterre est bien évidemment destiné à être enrichi, commenté. Des contributions qui permettront à cet article d’être mise à jour.
(Mise à jour (12/09): deux illustrateurs: Wundergoal et Marcus Reed, contribution de BRAAA @ReReRebie)