La fascinante enquête Vibrac

Everton FC emprunte depuis quatre ans à un fond d’investissement (Vibrac Corporation) et à une société (JG Funding Limited) aux caractéristiques opaques. Implantation dans un paradis fiscal et propriétaire inconnu pour le premier, capacité de financement incompatible pour la seconde. Une opacité qui a conduit un supporter d’Everton à enquêter sur ces deux sociétés.


 

Il conserve son anonymat @WatchedToffee sur twitter et dans ses articles sur Everton Viral où  il a fourni déjà un nombre considérable d’informations  dans l’attente de l’assemblée générale des actionnaires d’Everton FC qui se tient lundi 23 novembre et où il sera.

@WatchedToffee nous a livré d’autres éléments. Le résultat d’une fascinante enquête dévoilant que Vibrac Corporation et JG Funding Limited sont deux sociétés liées à une sorte de club privé. Celui d’un cercle de milliardaires et de millionnaires anglais, irlandais, américains.

Pesant au total près de 15 milliards, ils sont quasiment tous installés dans des paradis fiscaux et l’implantation de leurs sociétés fait beaucoup voyager : Monaco, Londres, Genève, Ile de Man, Jersey, Iles Vierges Britanniques, Bahamas, Barbade. Dans ce club privé, le foot est un investissement comme un autre (tableaux, yachts, chevaux, hôtels, golf, tableaux de maitres).

Voici les éléments de la grande enquête de @WatchedToffee dûment documentée et sourcée.

L’assemblée Générale des actionnaires d’Everton FC qui se tient lundi est très attendue par bon nombre de supporters du club. Ils espèrent en effet des réponses et une nouvelle. Des réponses sur une gestion qu’ils qualifient d’opaque. Symbolisée, entre autres, par des emprunts auprès de Vibrac Corporation et de JG Funding Limited.  La nouvelle, espérée, serait celle de la vente du club, que des sources sérieuses tendent à accréditer.

D’apparence, Everton Football Club est un club tranquille. Le rival local du Liverpool FC n’a jamais défrayé  la chronique. C’est un pilier de la Premier League, avec 112 ans de présence dans l’élite, le record (quatre saisons seulement à l’échelon inférieur). Everton est propriété anglaise, un des six clubs dans ce cas en Premier League.

Une apparence d’honorabilité trompeuse ? Ce sont les emprunts auprès de Vibrac Corporation qui ont éveillé la vigilance des supporters.

En août 2011, Everton Football Club a déclaré à Companies House (Registre anglais des sociétés) un prêt avec pour garantie le montant de ses droits télés 2011/2012 à Vibrac Corporation. Depuis 2009 déjà, Everton emprunte à des banques  en gageant le montant de ses droits télés, ce qui étonne et inquiète sur les forums de supporters.

captureev1

Document Companies House

Cet emprunt à une société inconnue aiguise leur curiosité.  Rapidement, ils trouvent les premiers éléments de réponse. Vibrac Corporation est une société basée à Tortola (Iles Vierges Britanniques) à cette adresse : Vanterpool Plaza, Wickhams Cay 1, Road Town, Tortola, Virgin Islands. La même que BCR Sports, une société détenue par Robert Earl, actionnaire principal (23 %) d’Everton.

Vibrac prêteur à Everton, Fulham, West Ham, Southampton et Reading

Simple coïncidence ou piste d’un conflit d’intérêt ? En tout cas la Premier League ne s’en émeut pas. En revanche les supporters d’Everton sont bientôt rejoints par d’autres. D’abord par ceux de Southampton FC en octobre 2012, le club ayant emprunté à Vibrac Corporation, garanti sur  les recettes guichets de la saison 2012/2013

Suivent les supporters de Fulham FC en mai 2013, car le club londonien emprunte à son tour (avec son stade pour garantie)  à Vibrac Corporation, basée aux Iles Vierges Britanniques, tout comme « Fulham Leisure Holdings » la société mère de Fulham FC.

En septembre 2013, au tour de ceux de West Ham, le club étant entré à son tour sur la liste des emprunteurs à Vibrac Corporation, avec ses droits télés pour la saison 2013/2014 en garantie.

En mai 2014, Reading FC devient aussi emprunteur auprès de Vibrac, garantissant le prêt sur le montant de son paiement parachute suite à sa relégation.

En août dernier, Everton et West Ham ont emprunté, cette fois à JG Funding Limited. Avec des garanties d’un montant exorbitant pour les deux clubs : leurs droits télés pour les saisons 2015/2016 et 2016/2017. Soit pour chaque club une garantie financière minimum de 234 M€ (le montant pour le 20e de Premier  League).

Chaque contrat de prêt est disponible sur le site Companies House.

capturebloom

Fin septembre 2014 un article d’Alex Duff  pour Bloomberg contient cette information. Selon Martin Blake, avocat d’affaires chez Farrer & Co, Vibrac Corporation est détenu par le même propriétaire que Mousehole Limited. Information corroborée par les supporters d’Everton, ayant découvert que Vibrac Corporation et Mousehole Limited disposent de la même adresse postale à Tortola, aux Iles Vierges Britanniques.

Dans l’article de Bloomberg, Graham Shear, un avocat du cabinet londonien Berwin Leighton Paisner intervient. Il est cité comme intervenant dans des deals pour Vibrac Corporation.Graham Shear est un des hommes clés dans l’enquête de @Watched Toffee. Le cabinet Berwin, Leighton & Paisner est en effet au cœur d’un réseau où se mêlent les sociétés offshore, les paradis fiscaux et une  grande opacité.

C’est ce cabinet qui a soumis et contresigné à la « Companies House » (le registre des entreprises du Royaume Uni) les emprunts d’Everton, West Ham, Fulham, Southampton et Reading  auprès de Vibrac Corporation, et de JG Funding Limited.

Des contrats de prêts par Vibrac qui pour certains d’entre  eux (Everton, West Ham, Reading)  sont vérifiés  par des comptables d’une société suisse, Balzane Services. Une société dont le vice-président,  Simon Groom a beaucoup intéressé @WatchedToffee. Simon Crispin  Groom est résident monégasque où il détient une société (Groom Hill) avec un associé, James Hill.

Tous les deux sont liés à un nombre important de sociétés offshore.  On retrouve Balzane Services dans un document (information publique) concernant deux sociétés Rainsford Management Corp. et Mitchells & Butlers plc. En bas du document, en guise de contact il y a écrit ceci : Balzane Services SA Mrs. Marie-France BASTAROLI (la présidente).

Le club des cinq milliardaires du “Sandy Lane set”

Dans un article du Guardian de décembre 2009, on en apprend beaucoup sur ces deux  sociétés. Elles sont  en effet au cœur d’une fameuse association de milliardaires, surnommée le « Sandy Lane set » du nom d’un hôtel de super luxe aux Barbades. Ils sont cinq : Joe Lewis, Michael Tabor, JP McManus,  John Magnier et Derrick Smith ; pesant au total 8 Milliards.

 

Joe Lewis (à gauche) et Daniel Levy, de “l’équipe londonienne” (Photo The Guardian)

Joe Lewis en est le patriarche. C’est un célèbre spéculateur qui, avec George Soros, avait fait exploser en 1992 le marché européen des devises en spéculant.

Il est également actionnaire principal de Tottenham. Les autres sont Michael Tabor (spéculation, chevaux de courses) JP Mc Manus et John Magnier (surnommés la Coolmore mafia lorsque le premier était actionnaire de MU) et Derrick Smith (paris, investissements, chevaux de course).

Il y a là des membres des deux équipes repérées par @WatchedToffee. Joe Lewis, Michael Tabor et Derrick Smith font partie de l’équipe des Londoniens. JP Mac Manus et John Magnier de celle des Irlandais. Façon de parler puisqu’ils ont pratiquement tous une résidence dans un paradis fiscal.

Ces deux équipes ne sont pas là complètes. Car Simon Groom, le VP de Balzane Service est un membre éminent de l’équipe irlandaise avec Michael Smurfit. Associés à Glenealy Properties (Monaco) et European Open Golf Championship (Irlande). Et il  existe également une société Simon Crispin Groom Ireland ». De même que Dermot Desmond (propriétaire du Celtic Glasgow).Ils sont aussi associés dans ce qu’on appelle le K Club.

En restant sur les traces de Simon Groom, Watched Toffee l’a retrouvé dans une société, Selkan Limited (dissoute en 2009). Le directeur en était Jonathan Barnett, l’agent de Gareth Bale. Lequel a fondé une autre société, The Stellar Group Limited. Parmi les quatre actionnaires de cette société, il y a Graham Shear, par ailleurs avocat de Jonathan Barnet. Shear, l’avocat chez Berwin, Leighton & Paisner qui a rédigé tous les emprunts de Vibrac et JG Funding Limited.

Et comme le monde est décidément petit, Jonathan Barnett détenait 5 % de Selkan Limited. Les 95% restant étaient détenus par Powsfield Limited. Son adresse ? Vanterpool Plaza 2nd floor, Wickhams Cay, 1 Road Town, captureblomm2Tortola, British Virgin Islands. La même que Vibrac Corporation, Mousehole Limited et BCR Sports, la société de Robert Earl (actionnaire principal d’Everton, fondateur de Hard Rock Café et Planet Hollywood) et autre membre de l’équipe des Londoniens.

Graham Shear, un épatant personnage. Déjà avocat d’affaires pour Vibrac Corporation et Mousehole Limited, avocat et partenaire de Jonathan Barnett, il a été également propriétaire en 2010 d’un club fantôme uruguayen, Deportivo Maldonado SAD, en fait une sorte de lessiveuse à propriétés de joueurs et commissions de transferts comme décrit dans un article de
Bloomberg
par Alex Duff and Lucia Baldomir.

Philip Green, clé du système

Philip Green est un membre très intéressant de cette équipe. Son influence est décrite parfaitement dans un article du Daily Telegraph d’octobre 2006. Dans les deux équipes, il est celui qui a le plus eu contact avec Everton. Il est celui qui a fait de Robert Earl l’actionnaire principal du club. Aussi celui qui était impliqué dans l’affaire de la nébuleuse offre de reprise (repoussée) du club par Chris Samuelson et sa société Fortress Sports Fund.

Philip Green, @Watched Toffee l’a aussi pisté en tant que propriétaire de Taveta Investments, sa holding basée à Jersey, Karren Brady, la vice présidente de West Ham, était une des directrices de la société. capturecha

Philip Green a été en relation d’affaires  avec Dunstana Adeshola Davies et ses sociétés Waterlow Secretaries, Waterlow Nominees. Associées à Green dans Regal Route Limited et Merinbond Limited.

Dunstana Adeshola Davies était liée Selkan Limited (Groom et Barnett), également avec James Grant Media et James Grant Music, dans cette dernière avec Jonathan Christopher Mc Morrow. Le directeur de JG Funding Limited, prêteur cet été à Everton et West Ham.

Jusqu’au juin dernier JG Funding Limited était une filiale de James Grant Group, société créée en 2009 par Neil Rodford, ex directeur exécutif de Fulham.  Son président du Conseil d’administration est Daniel Levy, le propriétaire de Tottenham Hotspur, un autre membre donc de l’équipe des Londoniens.

Afin que JG Funding Limited puisse consentir des prêts à Everton et West Ham en août sans risquer le conflit d’intérêt (Daniel Levy,  propriétaire de Tottenham Hotspur) cette société a opéré un modification juridique accompagnée d’un changement d’adresse. Désormais la même que le cabinet Berwin, Leighton & Paisner…

JG Funding Limited, l’autre mystère

C’est aussi sur le plan financier que JG Funding Limited interpelle le limier @WatchedToffee. Le 31 août, il tweete les derniers éléments financiers de la société : 23.387 € en cash, valeur de l’entreprise estimée à 11.300 €. Avec cette question : comment cette société peut nous prêter plus de 20 M€ ?

En août, JG Funding Limited a prêté Everton et West Ham. Avec quel financement ? @WatchedToffee a repéré qu’à la date des prêts à Everton et West Ham,  JG Funding Limited avait emprunté à eux sociétés domiciliées à l’Ile de Man, paradis fiscal : Kirkton Investments Limited et Carroch Holdings Limited.

Dans cet incroyable réseau de sociétés JG Funding Limited a aussi financé Mousehole Limited pour des prêts en 2011 à l’Atletico Madrid, Hertha Berlin et Espanyol Barcelone (pour du TPO).

jp-mcmanus-john-magnier-m-001

McManus, Magnier et Tabor (Photo The Guardian )

Constatation de @WatchedToffee à cette étape de son enquête : il s’agit d’une société secrète de millionnaires/milliardaires. Le total de la fortune de ces gens est à couper le souffle. Quel meilleur moyen pour eux de se garantir un haut retour sur investissement de prêter à des clubs de foot avec un risque zéro, étant donné la garantie que représente les revenus de la Premier League ?

Une chose est sûre, il existe un énorme réseau de milliardaires offshore et Everton est quelque part pris en plein milieu.

Lundi à l’assemblée générale des actionnaires d’Everton FC, @WatchedToffee aura  à l’évidence des questions à poser. Comme beaucoup d’autres supporters du club, il exprimera aussi son incompréhension sur ce constat. Cela fait six ans que le club fait des emprunts importants. Dans quel but ? Le stade,  Goodison Park, est quasiment le seul en Premier League à ne pas avoir été rénové depuis des années. Plusieurs projets d’implantations n’ont pas abouti.

Depuis l’arrivée de Bill Kenwright en tant que président, en seize ans, Everton a été très frileux sur le marché des transferts. Chaque année, le club a en effet vendu en moyenne pour 11 millions de livres et acheté pour 14 millions. Très peu surtout actuellement vu les importants droits télés..

Autre étonnement de @WatchedToffee. Pourquoi le club a repoussé plusieurs offres de rachat. Celles de The Qatar Investment Authority (QIA), qui a de ce fait choisi le Paris SG, des milliardaires indiens  Lakshmi Mittal  et Anil Ambani ?

Le tout était-il destiné à garantir à de multiples prêteurs, dont les derniers Vibrac Corporation et JG Funding Limited, de percevoir de solides intérêts.

Ces derniers jours, des éléments crédibles laissent à penser qu’Everton fait actuellement l’objet d’une offre de reprise par un candidat très fortuné qui pourrait être annoncée avant ou pendant l’Assemblée générale des actionnaires. @WatchedToffee et beaucoup d’autres supporters du club l’attendent avec impatience. Mais ils ont aussi beaucoup de questions à poser.