AFFAIRE MANGALA : FIFA vs DOYEN SPORTS SEULEMENT ?

En multipliant les procédures judiciaires contre la FIFA à propos du TPO, Doyen Sports s’est attiré la réplique de la Fédération Internationale, comme vient de le révéler Bloomberg. Laquelle Fédération a ouvert une enquête sur le rôle du fonds d’investissement dans le transfert d’Eliam Mangala de Porto à Manchester City à l’été 2014.

Cette réplique de la FIFA survient après les révélations du site Football Leaks visant le FC Porto, Doyen Sports et le Sporting Portugal.  Le fond d’investissement et le club de Lisbonne attendent par ailleurs la décision du Tribunal Arbitral du Sport sur leur litige concernant le transfert de Marcos Rojo du Sporting Portugal à Manchester United à l’été 2014.

Dans cette actualité chargée, un absent remarquable, Jorge Mendes. Rival de Doyen Sports, en affaires avec le FC Porto et le Sporting Portugal, épargné par les révélations de Football Leaks, quel est son rôle ?  


 

En apparence, l’ouverture d’une enquête de la FIFA à propos du le transfert d’Eliaquim Mangala de Porto à Manchester City à l’été 2014  ne concerne que le club portugais et Doyen Sports. Un des transferts emblématiques de la période TPO, le système de tierces parties interdit par le FIFA depuis le 1er mai dernier. Le paiement des 54 M€ avait été réparti selon le pourcentage des parts du joueur : 56, 7 % pour le FC Porto ;  33, 3 % pour Doyen Sports ; 10 % pour Robi Plus (Luciano d’Onofrio). Manchester City est absent de la procédure, ayant versé réglementairement les 54 M€ au FC Porto qui a ensuite effectué la redistribution.

Cette enquête de la FIFA vise clairement Doyen Sports. Le fonds d’investissement mène actuellement une guérilla judiciaire contre la Fédération Internationale afin de mettre fin à l’interdiction du TPO, arguant d’une entrave à la liberté du commerce et de la concurrence(*). doyen-sports

Il s’agit bien évidemment d’une réplique judiciaire de la FIFA dans une actualité très chargée concernant principalement les clubs portugais. Doyen Sports et le Sporting Portugal  attendent la décision du Tribunal Arbitral du Sport sur leur litige concernant le pourcentage revenant à Doyen sur transfert de Marcos Rojo du     Sporting Portugal à Manchester United à l’été 2014. A ce propos, début septembre, Raffaele Poli (responsable de l’Observatoire du Football du CIES) nous disait ceci : «Le verdict sera à mon avis à la faveur de Doyen Sports. Parce que selon la règlementation actuelle, le club n’a pas le droit de rentrer dans ce genre d’accord. S’il le fait, alors il est tenu de tenir ses engagements. Sauf si l’autre partie n’a pas respecté ce qui a été convenu. » 

Selon le journal portugais Record , le Sporting Portugal pronostique un arrêt défavorable du TAS le concernant, tout en estimant être dans son droit. Ce qui le conduirait dans ce cas à introduire un recours auprès du Tribunal Fédéral helvétique.

Le contexte Football Leaks

L’enquête de la FIFA sur le transfert Mangala survient dans un contexte très sensible pour le football portugais, secoué par les suites de l’affaire Football Leaks. Le site internet (fermé la semaine dernière) qui a  publié plusieurs documents internes concernant des transferts, principalement du  Sporting Portugal et du FC Porto.

Une concentration sur ces deux clubs qui a provoqué une vive polémique entre le Sporting Portugal et Benfica. Du côté du Sporting, on se dit convaincu que Benfica est derrière la publication des documents publiés par Football Leaks.

Dans son édition du 14 octobre, Record  évoque le fait que Pedro Guerra (Benfica TV) et Antonio Simoes (consultant de la chaine) ont exhibé ou évoqué à l’antenne des documents confidentiels publiés deux jours plus tard par Football Leaks. Des accusations réfutées par Benfica, accusé par ailleurs de tentative de corruption d’arbitres par le Sporting Portugal.

Et Jorge Mendes dans tout ça ?

Une guerre interne au Portugal dans laquelle l’absence de Jorge Mendes ne peut être anodine. Dans son remarquable article sur l’empire Mendes, The Guardian cite les chiffres contenu dans la brochure de Quality Sports, une myriade de fonds d’investissement. Entre 2001 et 2010, le super agent a opéré 78 % des transferts du Sporting Portugal et 51 % de Benfica. Des chiffres sans doute comparables pour le FC Porto. telechargement

Jorge Mendes est totalement incontournable dans le foot portugais, de manière directe ou indirecte. S’il n’apparait pas ouvertement dans le transfert de Mangala du FC Porto à Manchester United, ses relations privilégiées avec les deux clubs ont clairement « facilité » l’opération.

Comment expliquer l’absence de Jorge Mendes, en tout cas en apparence, dans tous ces dossiers ? L’affaire Mangala illustre parfaitement son statut. A l’inverse de Doyen Sports, il est installé depuis vingt ans dans le système. En tant qu’agent, il est un acteur reconnu dans les négociations.

Quand Doyen ferraille avec la FIFA sur le plan juridique, Mendes navigue en permanence entre la légalité et la flibuste. Il est très vraisemblablement dans le dossier Mangala. Mais si c’est le cas, il ne se fera pas attraper, lui.

Dans l’été 2014 du transfert Mangala, Jorge Mendes a conduit directement un autre transfert, celui de Diego Costa,  de l’Atletico Madrid à Chelsea (où José Mourinho est revenu servir les intérêts du super agent).

Les 38 M€ du transfert ont été répartis de la manière suivante :

-1,9 M€ pour les premiers clubs de Diego Costa

-7,6 M€ pour le Sporting Braga, précédent club du joueur (contrôlé par Jorge Mendes).

-3,8 M€ pour Jorge Mendes (commission d’agent).

-7,6 M€ pour Quality Sports, le fonds d’investissement de Mendes et Peter Kenyon.

-17, 1 M€ pour l’Atletico soit 45 % du total contre 30 % pour Mendes et son fonds.

Un cas d’école, celui des 7,6 M€ pour Quality Sports, opération illégale, à la lumière de l’enquête de la FIFA sur le transfert Mangala. Jorge Mendes a-t-il fait en sorte, par un artifice juridique,  que l’opération soit dans les clous. La FIFA a-t-elle égaré ce dossier Diego Costa, par inadvertance ?

Dans l’affaire Football Leaks, l’absence de Benfica fait évidemment l’affaire de Jorge Mendes. Ne serait-ce qu’en raison des méandres des opérations depuis plusieurs années entre Benfica, le FC Valence et l’AS Monaco.

Comment situer sa position par rapport au flot de documents censés inquiéter le FC Porto et le Sporting Portugal ? Si Porto est cité, c’est à la marge. Et dans le dossier Imbula, c’est plutôt Doyen Sports qui est visé.

Le tonitruant Bruno Carvalho

En revanche, le  Sporting Portugal faisait abondamment l’objet des documents Football Leaks. En particulier les premiers, faisait état du transfert de Bruno Paulista de Bahia au club de Lisbonne via  Caàla (Angola). Un système de triangulation classique afin d’échapper à l’impôt sur la transaction.

Il est vraisemblable que la personnalité et le tempérament de Bruno Carvalho, son président depuis 2013, ne lui ont pas attiré que des sympathies .

bruno_de_carvalho_e_mustafa_festejam_taca-artigoEnnemi farouche de ce qu’il appelle la bipolarisation Benfica/Porto, Bruno Carvalho ferraille et tempête sans relâche. Il s’est donc fait des ennemis qui ne le ratent pas.

Jorge Mendes ne peut pas aimer ces batailles de chiffonniers qui font du tort au commerce. Son égo n’apprécie sans doute pas non plus l’espace médiatique grandissant occupé par le tonitruant président du Sporting Lisbonne.

Le super agent constate actuellement les ennuis subis par Doyen Sports et son directeur général Nelio Lucas et d’autre part Bruno Carvalho. Deux impétueux de nature à l’agacer. Son été avait été florissant, son automne est désormais apaisé. Incontournable, insubmersible Jorge Mendes ?

(*) Le FC Seraing a été condamné le 17 septembre par la Commission de discipline de la FIFA à 136.743 € d’amende et à une interdiction de transferts sur les quatre prochains mercatos dans l’affaire opposant Doyen Sports et FC Seraing contre la Fédération Belge, l’UEFA et la FIFA.

Autres procédures en cours : Doyen Sports contre FFF, LFP, UCPF, UEFA et FIFA ; Doyen Sports contre Fédérations anglaise, française et polonaise, UEFA et FIFA.